
Une histoire triste dans l’ombre de l’indépendance de la Papouasie (1/2)
Jayapura, Jubi – « De l’Est à l’Est », cette phrase est appropriée pour décrire la lutte des enfants des membres de l’Armée de libération nationale de la Papouasie occidentale et de l’Organisation pour une Papouasie libre (TPNPB OPM) qui choisissent de poursuivre le combat de leurs parents. Pour eux, l’aspiration à libérer la Papouasie a toujours été présente. Il en va de même pour les enfants des victimes de violations des droits de l’homme en Papouasie.
Demianus Magai Yogi, l’un des enfants d’une figure du TPNPB/OPM de la régence de Paniai, Tadeus Yogi, a choisi de suivre les traces de son père en prenant les armes. Il est maintenant un combattant du TPNPB parce qu’il a vu sa famille être victime de la violence des officiers TNI/Polri (les Forces armées indonésiennes/Police nationale indonesienne).
« Mon propre père, le commandant Tadeus Magai Yogi, a dirigé le mouvement pour l’indépendance de la Papouasie depuis le début des années 1970 jusqu’à son dernier souffle le 9 janvier 2009 », a dit Demianus.
Demianus a indiqué qu’une vie sûre et paisible est impossible pour un enfant d’une figure du TPNPB. Il l’a accepté comme une conséquence de la lutte de ses parents.
« Nos vies ne peuvent être séparées de la terreur et de l’intimidation infligées à Tadeus Yogi, à sa femme et à leurs enfants. Même Tadeus Magai Yogi est mort après avoir été empoisonné. Quant à ma mère, elle est morte de maladie et d’épuisement parce qu’elle était constamment poursuivie par la force publique », a ajouté Demianus en se souvenant de ses chers parents.
Bien que son père soit décédé, Demianus a raconté que lui et ses frères et sœurs ont continué à subir des intimidations, à être terrorisés et à être pris pour cible par les forces de sécurité. Sept de ses proches sont morts dans le long conflit qui a eu lieu autour de la régence de Paniai.
« Sept de mes frères et sœurs sont morts. Antonius M. Yogi, est mort après avoir été drogué par la police autour d’Ugi, district du Panitiai Timur, en 2017. Yosina M. Yogi a été abattu par les troupes TNI/Polri à Pugo, Paniai. Salmon Magai Yogi a été abattu par des troupes TNI/Polri au siège du TPNPB à Eduda en 2013. Leo M. Yogi a été abattu par les TNI/POLRI à Nabire en 2015. Kristianus M. Yogi a été abattu par Tim Kasuari (une equipe des TNI/Polri) à Ugapuga en 1997. Paul M. Yogi est mort au quartier général d’Eduda en 2002. Debora M. Yogi est morte au siège d’Eduda en 2005 », a-t-il detaillé.
« Demianus a constaté que les personnes impliquées dans le meurtre de ses frères et sœurs n’ont jamais été jugées et punies. Tout comme les auteurs de violations des droits de l’homme en Papouasie qui n’ont jamais été jugés et punis. Non seulement mes frères et sœurs, mais presque tous les enfants de l’OPM subissent toujours ce genre de traitement. S’ils ne sont pas torturés, ils sont tués », a-t-il ajouté.
Demianus a déclaré que l’État indonésien continue de montrer son caractère colonial à la face du monde, car il n’a jamais appliqué les lois qu’il a lui-même élaborées, au nom de la sécurité de l’État. « Il n’y aura jamais de justice pour nous, même avec la triste histoire que nous avons vécue. Peut-être que si Dieu descend sur terre, alors il y aura une réponse pour nous », a-t-il souligné.
Jimy Hilsom Hiluka, le fils de l’ancien prisonnier politique Linus Hiluka, reconnu coupable d’avoir participé au cambriolage de l’entrepôt d’armes de Kodim (Commandement militaire régional) 1702/Jayawijaya à Wamena, capitale de la régence de Jayawijaya, le 3 avril 2003, a choisi de ne pas prendre les armes. Cependant, il n’a pas nié qu’il ait l’espoir de l’indépendance de la Papouasie.
Jimy avait 16 ans lorsqu’il a vu son père se faire arrêter par les forces de sécurité. Il a également vu son grand-père abattu par les forces de sécurité. « J’ai vu les forces de sécurité arrêter mon père et tirer sur mon grand-père. À ce moment-là, mon père ne s’est pas enfui dans la forêt et a été arrêté dans notre maison dans le district de Muliama, dans la régence de Jayawijaya, le 27 mai 2003 », a-t-il raconté.
Après l’arrestation de Linus Hiluka, Jimy et son frère ont perdu la figure paternelle qui les a élevés. Jimy était déçu, car l’État a également ignoré leur sort et n’a pas respecté leurs droits fondamentaux en tant que victimes du long conflit en Papouasie.
« Lorsque mon père a été arrêté, j’étais triste et désolée pour l’État indonésien. Qui va faire attention à nous ? Quel sera notre avenir ? Mais par la grâce de Dieu, nous avons tous pu étudier jusqu’à la fin de l’université », a-t-il ajouté.
Jimy a déclaré que l’État devait prêter attention aux enfants des prisonniers politiques, aux familles des victimes de violations des droits de l’homme, aux familles des victimes d’exécutions extrajudiciaires par les forces de sécurité et aux victimes du conflit armé prolongé en Papouasie.
Dans la pratique, Jimy estime que l’État indonésien ne semble pas se rendre compte que même les enfants des combattants du TPNPB sont des citoyens dotés de droits fondamentaux que l’État doit respecter. L’État n’a jamais assuré la restitution, la réhabilitation ou la guérison des traumatismes des enfants des membres du TPNPB.
« En fait, l’État prend des vies et élimine les droits des parents sur leurs enfants. Même si les parents sont détenus, les droits des victimes doivent être pris en compte par l’État. S’il y a une omission comme ce que mes frères et moi avons vécu, une omission de la condition des enfants qui sont victimes de violations des droits de l’homme, et une omission des enfants qui sont victimes d’exécutions extrajudiciaires, cela peut se retourner contre la République d’Indonésie », a-t-il poursuivi.
Jimy a indiqué que c’était comme si l’État indonésien considérait comme des ennemis les enfants des membres du TPNPB/OPM, ainsi que les victimes de violations des droits de l’homme. « Pourtant, je suis le fils d’un ancien prisonnier politique et le fils du responsable de l’OPM, je me rends compte que c’est une conséquence qu’il faut accepter et vivre », a-t-il affirmé.
Monteur: Aryo Wisanggeni G